Qu’est-ce qu’un VN ? C’est l’abréviation pour « visual novel » un type de jeu vidéo narratif, qui s’apparente à des questionnaires à choix multiples ; les embranchements vous mènent à différentes situations et souvent, différentes fins à l’histoire. En français québécois on parle également de « roman vidéoludique » ; les traductions peuvent varier puisque sur Steam on parle de « roman graphique » et globalement, on peut aussi trouver la traduction littérale de « roman visuel ». Ce genre de jeu vidéo textuel est initialement très populaire au Japon.
Quant au jeu vidéo Snow White VN, il s’agit d’un jeu indépendant français. Né de trois co-auteurs, Louise, Boris et Marie-Aure, il est fraîchement sorti à au printemps dernier*. Cette histoire retrace, sur un ton décontracté et une approche plus contemporaine, le conte traditionnel de Blanche-Neige.
Aujourd’hui on fait donc la connaissance de Marie-Aure de Tarragon, l’illustratrice du Visual Novel « Blanche-Neige » ou « Snow White VN » dans sa version internationale anglaise !
Qui es-tu ? Et qu’est-ce qui t’a amenée au genre vidéoludique du VN ?
Je suis Marie-Aure, illustratrice depuis 15 ans maintenant dans la création d’images publicitaires comme des faire-part et visuels de magazines, mais aussi des livres illustrés – conte, artbook, fanzine – ou d’autre format print comme le jeu de cartes « Oracle des Expressions »… Et exposition comme celle des « Nymphes ». Avant de rencontrer les co-auteurs de ce qui deviendra Snow White VN, je connaissais certes le genre « visual novel » mais je n’y avais joué qu’une fois – je me souviens, c’était tiré de la série Star Fighter, signé par HAMLET Machine. Mais dont l’univers est très différent de notre VN Blanche-Neige !
En revanche Louise, l’autrice des textes, et moi-même avions joué plus jeunes à des « livres dont vous êtes le héros ». Donc au lancement de Snow White VN, en 2014, c’est assez naturellement que la discussion s’est orientée vers un système de jeu où la progression se fait par choix. Ce n’est que plus tard, toutefois, que nous avons découvert le logiciel Visual Novel Maker* qui correspondait au gameplay recherché pour l’expérience de jeu dans Blanche-Neige.
Quel a été ton rôle au sein de ce jeu, dans la conception ? Que peux-tu nous dire de la coopération avec les membres de l’équipe ?
Tout débute avec des mots, des descriptions ou des dialogues, qui jalonneront la progression du joueur : Louise, notre auteure, a dressé l’arborescence des choix sur PowerPoint et le texte avec le déroulé de l’histoire, en français. Ensuite, j’ai été impliquée directement dans les autres phases : concept et charadesign, créations de visuels 2D et enfin, intégration pour de nombreux tests avec notre développeur, Boris.
C’était assez nouveau pour moi et même si le projet n’était pas en « full time job », ces quelques années ont été bien remplies. Le VN « Blanche-Neige » est le premier jeu vidéo auquel je participe et comme j’en suis l’unique illustratrice, j’ai pleinement appréhendé la chaîne de production et d’intégration inhérente à la création visuelle sur un Visual Novel.
En l’occurrence, mon travail a démarré avec une phase de conception de personnages – des croquis préparatoires que j’ai soumis au reste de l’équipe ; c’est surtout sur Blanche-Neige, le personnage principal, qu’ont eu lieu des discussions. Mais ça a été facile, j’ai bénéficié de beaucoup de liberté au niveau du charadesign.
Après validation, je suis passée à la couleur – des couleurs que j’ai d’ailleurs simplifiées pour qu’elles passent à l’écran. Et pour y passer moins de temps aussi. Car, comme je le disais plus haut, je suis la seule illustratrice de ce projet ; je me suis occupée de toutes les phases de développement pour Snow White VN, de la création des visuels initiaux à la production d’images finales incluant tous les assets : les sprites (les bustes avec différentes expressions faciales), les décors, la composition et l’illustration des scènes. Ainsi qu’une partie de l’interface utilisateur (UI/UX) : design des boutons par exemple, choix typographique, en collaboration avec le développeur.
Le projet a été ponctué de retours réguliers, avec Boris le programmeur et Louise la conceptrice du jeu. Des aller-retours avec Louise au début puisqu’elle a sorti plusieurs versions ; puis l’essentiel de la collaboration s’est tenu avec Boris en raison des contraintes de format et de résolution en jeu. À cette dernière étape de conception, c’était en mode essai – erreur. Ont surgi de nombreuses questions de portabilité : ordinateur, téléphone… Actuellement le jeu est disponible pour ordinateur uniquement (Windows seulement en raison du support Visual Novel Maker).
En parallèle de l’illustration, as-tu pris en charge d’autres postes au sein de l’équipe sur Snow White VN ?
Oui, tout à fait !
- Le suivi de projet, en rappelant – gentiment – à l’ordre pour avancer le code ou intégrer la musique, par exemple ;
- L’intégration – via l’apprentissage de Visual Maker : j’ai inséré les bustes des personnages et les décors, effectué les flips d’images, réglé des problèmes d’affichage notamment la fluidité des transitions ;
- La traduction du français vers l’anglais – en restant le plus proche possible de l’intention du texte français.
Quid du choix de réaliser un jeu indé ?
A la base, nous projetions de devenir éditeur de jeux : lancer deux ou trois jeux vidéo, en développant notre propre plateforme de création, et ensuite, inviter d’autres créateurs, qui puissent se l’approprier.
Donc le Visual Novel Blanche-Neige s’inscrivait dans le lancement de cette plateforme. Toutefois, c’était trop ambitieux pour un premier jeu. Surtout que nous avions nos vies personnelles et professionnelles à temps plein ! Et que, hum, nous étions novices dans l’édition vidéo ludique.
De fait, l’évolution du projet entre 2014 à et 2022 s’est déroulée en deux temps :
- De 2014 à 2018, avec une phase de recherche et développement pour créer notre propre plateforme,
- De 2018 à 2022, avec une phase d’adaptation sur un outil existant du premier jeu vidéo envisagé, Blanche-Neige.
Utiliser un logiciel de création de jeu vidéo nous a permis d’apprendre à notre rythme et d’avoir la satisfaction de sortir un premier jeu. Même si en l’occurrence, Snow White VN n’a pas été pensé à l’origine pour être développé spécifiquement sur Visual Novel Maker, les possibilités de gameplay offertes parce ce logiciel correspondaient à notre projet de conte.
Pourquoi un conte ? Et pour qui ?
Tout d’abord, « Blanche-Neige » est une histoire connue du grand public et elle est donc susceptible de rassurer les joueurs. Ensuite, c’était plus facile à gérer pour nous : comme nous connaissions nous aussi l’histoire de ce conte, nous pouvions nous concentrer sur la création de mini-jeux à l’intérieur de l’intrigue principale. Ces mini-jeux dynamisent le rythme de lecture dans l’expérience de jeu.
Enfin, nous avons choisi d’adapter l’une des plus anciennes versions du conte originel de Blanche-Neige, celle des frères Grimm – pas celle de Disney – dont la fin se révèle plus nuancée. Dans notre adaptation également, le niveau de langue et même le ton diffèrent de celui d’un conte classique : nous avons opté pour un ton léger et un niveau de langue courant voire parfois presque familier. Ainsi l’humour naît du décalage par rapport à l’attendu. Idem pour les sessions de cache-cache où différentes possibilités s’offrent au joueur… Avec plus ou moins de succès !
En raison de son adaptation moderne, ce visuel novel Blanche-Neige s’adresse aussi bien au jeune public qu’aux joueurs plus âgés, occasionnels ou non et désireux de se détendre. Tous ceux qui ont envie de renouer avec les livres dont nous étions les héros lorsque nous étions plus jeunes. Enfants et adultes qui veulent redécouvrir activement l’histoire de Blanche-Neige. Même si l’histoire ne change pas !
Un jeu à game over ! Snow White VN dispose d’un arbre de choix assez punitif, pourquoi ?
Ce serait trop facile s’il n’y avait pas de game over ! Nous avions la volonté de corser les choses – mais sans trop frustrer les joueurs, en les forçant à retourner au début du jeu. La version actuelle du gameplay offre un équilibre entre les différents game over et les sauvegardes avant les choix principaux. Le joueur peut perdre plusieurs fois mais il ira au bout du conte, quoi qu’il arrive.
Si c’était à refaire : IA art ou pas ?
Objectivement, non ! J’aime tout faire moi-même. En tant qu’illustratrice, j’aurais l’impression de renier ce que je suis. Par contre, peut-être, je m’en servirais sur les décors moyennant de les retoucher. Il est certain que je gagnerais du temps en collaborant avec une IA sur les backgrounds ; sur les personnages en revanche, j’aime trop les dessiner pour les confier à une IA. En résumé : pas question de tout laisser à une IA.
Un prochain jeu dans le viseur ?
Oui, un jeu vidéo de plateforme avec Unity cette fois ! En pixel art. Juste un projet à l’heure actuelle, animé d’une vraie envie. Affaire à suivre?
Je vous souhaite bonne chance et bonne inspiration pour la suite alors ! Merci Marie-Aure pour cette interview !
*Quelques liens pour aller plus loin :
- Le VN Blanche-Neige | Snow White VN sur icth.io https://universalbob.itch.io/snow-white-vn version française de décembre 2022 et anglaise de mars 2023
- Le logiciel de création Visual Novel Maker https://visualnovelmaker.com/
- Legend Utopia, le portfolio de Marie-Aure : https://matarragon.wixsite.com/legendutopia/accueil